vendredi 9 mars 2018

Le débarquement a été truqué lui aussi (partie 1/2)


Dans la mesure où le résultat du débarquement pouvait être assez aléatoire, là encore, les leaders juifs devaient mettre en scène la chose.

Il était hors de question que celui-ci aboutisse à un échec. En effet, l'URSS était en train d'écraser l'Allemagne. Et comme il aurait fallu un ou deux ans pour refaire une opération similaire, il aurait été très difficile de justifier une stagnation du front Est pendant tout ce temps. Et si le front ne stagnait pas, alors l'URSS aurait conquis pratiquement toute l'Europe, et aurait mis des gouvernements communistes partout. Et ça, ça ne faisait pas partie des plans des leaders juifs. Et si Staline avait mis des gouvernements communistes dans certains pays et pas dans d'autres, là encore ça aurait été difficile à justifier.

Donc, il fallait qu'Hitler et le haut commandement allemand aident les alliés à gagner, en réagissant trop lentement et insuffisamment. C'est pour ça qu'une fois encore, on constate la présence de nombreuses bizarreries, d'incohérences, "d'erreurs" un peu trop grosses et nombreuses pour être honnêtes, ainsi que de hasards un peu trop beaux pour être vrais. Tout ça, essentiellement du côté allemand bien sûr, mais pas uniquement.


1) Avant le débarquement : les désaccords arrangés entre Rommel et Rundstedt



L'échec des allemands face au débarquement ne vient pas seulement des erreurs faites lors du 6 juin, mais bien sûr aussi de celles faites avant. Les leaders juifs devaient mettre en place une stratégie perdante avant que les évènements n'arrivent. C'est logique. Le sabotage organisé par eux le jour J allait dans le bon sens, mais ça n'était pas suffisant. Il fallait optimiser largement plus l'organisation de l'échec allemand. Et pour ça, il fallait organiser les choses en amont.

Une des erreurs les plus importantes vient de l'arbitrage par Hitler du désaccord entre Rommel et Rundstedt sur la stratégie à adopter. Désaccord certainement organisé là-aussi.

Rommel soutenait que tout se jouerait le jour J, et qu'après, tout serait perdu, notamment à cause de l'aviation alliée. Il préconisait donc de maintenir les divisions allemandes au plus près des plages, afin de pouvoir écraser le débarquement dans l'œuf.

Rundstedt, son supérieur, affirmait au contraire qu'il était impossible de défendre les plages, à cause de la puissance de l'artillerie navale alliée. Il pensait par ailleurs qu'à un moment de leur avancée, les forces alliées seraient plus ou moins désorganisés et donc prenables. En conséquence de quoi, il préconisait de les attaquer un peu après leur première poussée, une fois que la marine ne pourrait plus les soutenir.
C'était donc à Hitler de trancher. Et évidemment, celui-ci a fait en sorte de prendre la pire des décisions pour pouvoir mieux faire gagner les alliés.

Il a choisi en effet de faire un compromis et de prendre un peu du plan de Rommel et un peu de celui de Rundstedt. Il a ainsi laissé quelques divisions sur les plages, et il en a mis quelques autres en retrait.
Ainsi, les troupes sur les plages n'étaient pas suffisamment puissantes pour pouvoir rejeter à la mer les alliés, et les troupes restant à l'arrière ne l'étaient pas non plus pour pouvoir les vaincre une fois les têtes de pont créées. Donc, les troupes près des plages étaient sûres d'être vaincues et celles positionnées plus dans les terres aussi.

Mais ce n'est pas tout. Hitler a également compliqué le circuit de décision pour les armées situées à l'ouest. Il a en effet tenu à ce que les troupes de panzers situées en réserve soient sous ses ordres directs. Elles ne pouvaient donc pas bouger sans son approbation.


Ça posait déjà problème en soit, puisque diriger des divisions à 1.800 kms rend forcément moins efficace le commandement. Mais surtout, le jour J, parce qu'Hitler dormait, puis parce qu'il tardait à donner l'ordre de mouvement, elles sont restées bloqué pendant de longues heures avant de pouvoir intervenir, laissant ainsi les alliés créer tranquillement leurs têtes de pont. Évidemment, ça aussi, c'était voulu. Hitler a choisi cette organisation pour faire en sorte que des unités cruciales soient paralysées le jour J afin de pouvoir mieux laisser gagner les alliés.

Au passage, certaines de ces divisions blindées seront mises vraiment très loin en retrait, comme la Panzer Lehr, qui sera stationnée à environ 130 km des plages du débarquement, la 116ème panzer, située à 130 km, près de Rouen, et surtout la 2ème division de panzer (à 320 km). Bien trop loin pour intervenir assez rapidement le jour J. Or, parmi ces unités, il y en a 2 qui appartiennent à la réserve du groupe d'armée B, et qui sont donc immédiatement disponibles, sans avoir à en référer à Hitler. Si pour la 116ème, on peut comprendre qu'il faut couvrir la zone près de Dieppe, le placement de la 2ème division est complètement illogique.


2) Cartes des troupes allemandes et des zones de parachutage



Avant d'aller plus loin, voici la carte des troupes allemandes présentes.


Cliquez pour agrandir l'image

Pour comprendre la carte voici l'explication des pictogrammes. Du plus haut niveau de commandement au plus bas, on a :

O.B West (commande les groupes d'armées situés en Europe de l'ouest. Dirigé par Gerd von Rundstedt)
xxxxx = groupe d'armées (pour la région de la Bretagne au nord de la France, groupe d'armées B, dirigé par Rommel)

xxxx = armée (ici, 7ème et 15ème armées)

xxx = corps d'armée (celui qui nous intéresse ici est le LXXXIV, soit le 84ème corps)

xx = division ; c'est là que se trouve les troupes. Les échelons supérieurs sont la plupart du temps seulement des QG. Une division se compose d'environ 12.000 hommes en 1944 et se divise en régiments (2.000 à 3.000 hommes) et bataillons (750 à 1.000 hommes). Pour les divisions de panzers, il y a environ 15.000 hommes (ainsi que 90 Panzers IV et 70 Panthers).

Les divisions avec une croix à l'intérieur du rectangle sont des divisions d'infanterie, celles avec un ovale, sont des divisions de blindés, et celles sans rien sont des divisions statiques.


    Infanterie


Blindés


Les zones de parachutages alliées se trouvent là :



3) De nombreux hauts responsables absents



Les leaders juifs ont donc planifié la défaite allemande en amont du jour J. Mais comme le débarquement comportait malgré tout une grosse part d'incertitude, il fallait organiser la défaite aussi pour cette date.

Pour ça, les leaders juifs ont fait en sorte que de nombreux hauts responsables soient absents le 6 juin (jusqu'à midi, voire même jusqu'en fin de soirée), et que des informations essentielles sur le débarquement ne soient pas transmises ou pas crues.

La raison principale qui justifiera officiellement ces absences sera que le temps était extrêmement mauvais les jours précédant le 6 juin et que les allemands pensaient donc que le débarquement ne pourrait pas se faire avant le 10 juin.

Ainsi, du côté de la marine, l'amiral Krancke quitte son QG de Paris pour aller faire une visite d'inspection à Bordeaux.

Le colonel Mayer-Detring, l'officier de renseignement pour tout le front Ouest, est parti à la chasse avec sa maitresse.

Plus important, le Général Rommel qui dirige le groupe d'armées B (15ème et 7ème armées) s'autorise à s'absenter pendant 36 heures, pour fêter, le 6 juin en Allemagne, l'anniversaire de son épouse. Le groupe d'armées B, c'est justement l'ensemble des troupes présentes dans le nord-ouest de la France. Son officier d'opérations, von Tempelhoff, est parti lui aussi.

Dollmann, le commandant de la 7ème armée, doit réaliser un Kriegspiel (un jeu de guerre) à Rennes, le 6 juin à 10 heures, avec comme thème : exercice sur cartes de débarquement aérien. Tous les commandants de division sont convoqués, chacun avec deux chefs de corps. Tous sont conviés à coucher à Rennes dans la nuit du 5 au 6 juin. C'est ainsi près de la moitié des chefs de division et un quart des chefs de régiment qui sont en route ou déjà à Rennes alors que l'opération Overlord commence.

Or, la 7ème armée est la seule qui soit présente en Normandie. La 15ème armée se trouve dans le nord de la France, à environ 200 km des plages du débarquement. C'est-à-dire beaucoup trop loin pour pouvoir arriver à temps le jour J.

Et, même si la cause est différente, le général Wilhem Falley, commandant la 91ème division, est tué un peu après 4h du matin près de son QG, qu'il tente de rejoindre. On peut d'ailleurs penser que sa mort a été mise en scène afin que le fonctionnement de cette division très importante soit ralenti pendant les quelques heures cruciales d'avant le débarquement.

Le général Feuchtinger, qui commande la 21ème panzer, est à Paris pour un rendez-vous avec sa maitresse. Donc, cette division cruciale est elle-aussi sans son chef attitré.

Donc, la seule armée pouvant faire face aux alliés durant le premier jour du débarquement est en partie décapitée au moment crucial. Bien sûr, il y a des remplaçants, mais ça n'est pas exactement la même chose.

En résumé, pour le secteur de la 7ème armée, on avait, du plus haut gradé au plus bas (ceux qui étaient là sont en gras) :

  • Le maréchal Gerd von Rundstedt, commandant suprême des forces allemandes sur le front occidental. Présent.
  • Rommel qui commande le groupe d'armée B : absent (dans le sud de l'Allemagne) (remplacé par Hans Speidel)
  • Friedrich Dollmann qui commande la 7ème armée : absent (à Rennes pour le kriegspiel, remplacé par Max Pemsel)
  • Erich Marcks commandant le 84ème corps d'armée de la 7ème armée : présent
  • Les divisions présentes dans la zone, et étant libres d'intervenir, étaient les 711, 716, 352, 91, 709, 243, et la 21ème blindée. Donc, 7 divisions en tout.
    • La 91ème est sans chef, puisque Wilhem Falley a été tué vers 4h du matin
    • La 21ème panzer est sans chef. Edgar Feuchtinger est à Paris
    • La 709ème est sans chef. Karl-Wilhelm von Schlieben est en effet en train de dormir à son hôtel à Rennes. Il n'arrivera à son poste qu'à midi (selon le livre D-Day 1944 : Utah Beach & the US Airborne Landings, Par Steven J. Zaloga, page 12).
    • La 352ème division est commandée par le Generalleutnant Dietrich Kraiss. Celui-ci était présent parce qu'il s'était méfié (voir ici). Donc, il n'était pas allé au kriegspiel.
    • La 711ème division est commandée par le Generalleutnant Josef Reichert, qui est présent. En effet, celui-ci ne fait pas partie de la 7ème armée et ne participe donc pas au kriegspiel.
    • La 716ème division, commandée par le Generalleutnant Wilhelm Richter : présent.
    • La 243ème division, commandée par le Generalleutnant Heinz Hellmich. Absent : parti à Rennes.

Donc, seulement 3 divisions sur les 7 sont commandées aux premières heures du débarquement. 57 % sont sans commandement. Et une partie des chefs de régiments sont absents également.

La chose n'est pas très documentée, mais forcément, ça a dû avoir un impact sur la réactivité et la qualité de la défense allemande durant le débarquement.

Cela dit, ici, il est précisé pour la mort du général Falley que : "Ce coup de main aura une incidence directe sur la suite des évènements dans le secteur d'Utah Beach, car il provoquera un flottement sensible dans le commandement de la division pendant plusieurs heures et retardera considérablement la contre-attaque Allemande".

Peut-être aussi que certains des généraux envoyés au kriegspiel n'étaient pas dans la confidence du sabotage et qu'on les a éloignés pour cette raison. S'ils avaient été présents, ils auraient alors pu se dire qu'il y avait de la trahison de la part du haut commandement.

Voici l'organigramme allemand en Normandie pour la période du 5/6 juin 1944 :




4) L'intérêt de l'absence de Rommel



L'absence de Rommel n'est pas négligeable pour l'échec de la défense allemande. En effet, dans la mesure où c'est celui qui préconisait la défense des plages, s'il avait été présent, il aurait dû fortement accélérer et dynamiser les choses. Notamment, il aurait été logique qu'il ramène le plus vite possible la 116ème et la 2ème division de panzers ; et qu'il fasse foncer la 21ème panzer vers les plages.

Et puis, Jodl a refusé à Rundstedt l'emploi de la 12ème  division de panzers et de la Panzer Lehr et a également refusé de réveiller Hitler. Probablement que si Rommel avait été là, dans la mesure où il était supposé être un des généraux préférés de ce dernier, il aurait été plus difficile de justifier l'inaction de Jodl.

Tandis que comme Rundstedt n'était convaincu ni de la stratégie d'arrêt des alliées sur les plages ni du fait que le débarquement en Normandie était le bon, il était plus facile de justifier un certain manque d'insistance de sa part vis-à-vis de Jodl.

Au passage, Rommel était très probablement dans la conspiration lui aussi. Cette photo de lui faisant une poignée de main franc-maçonne à Hitler l'indique :

Casting de la série "Band of brothers"

Donc, de toute façon, il n'aurait rien fait. Mais ça aurait été plus difficile à expliquer. Il valait donc mieux l'éloigner.


5) L'intérêt de l'absence des chefs de division



A mon avis, l'intérêt de la chose ne se situait pas forcément sur l'action durant l'heure du débarquement, mais sur ce qui devait se passer durant la nuit. Il ne fallait pas que les unités présentes près d'Utah Beach (les 709ème, 91ème et 243ème) puissent réagir assez vite pour se débarrasser des parachutistes. Parce qu'alors, elles auraient pu intervenir sur la plage d'Utah le lendemain et empêcher la réussite du débarquement à cet endroit.

Il faut voir que derrière les plages en question, la zone était essentiellement marécageuse. Du coup, il n'y avait que quelques routes de passage. Si les allemands avaient réussis à tenir ces routes et donc les plages, le débarquement aurait été beaucoup plus compliqué. Or, les routes ont pu être prises par les parachutistes alliés durant la nuit.


Carte 1

On peut lire en effet sur Wikipédia concernant la bataille d'Utah Beach que :

"la différence la plus significative fut les 13 000 hommes de la 101e et de la 82e division aéroportée qui combattaient déjà dans l'intérieur des terres lors du début du débarquement. Cinq heures avant la première vague d'assaut, les troupes parachutées ou arrivées par planeurs combattaient au-delà des plages, éliminant l'ennemi des positions le long des sorties de plages et créant la confusion parmi les Allemands, prévenant ainsi toute contre-attaque organisée de la part de l'ennemi vers les zones de débarquement."

Ou sur cette autre page de Wikipédia :

"Bien que les parachutistes soient passablement dispersés et subissent de lourdes pertes, ils parviennent à s'approprier et à conserver la plupart des routes nécessaires à la sortie des plages du VIIe Corps d'armée américain depuis Utah Beach."

Il faut voir aussi qu'il n'y avait que 10.000 parachutistes dans ce secteur, face à 2 divisions allemandes (91ème, une partie des 709ème et 352ème,). Ce qui devait représenter dans les 20.000 hommes. Et si les choses avaient été bien faite, une partie de la 243ème aurait pu être amenée sur place. Les alliés étaient en nette infériorité numérique. Et bien sûr, un parachutage de nuit par mauvais temps a tendance à induire une désorganisation. Les divisions alliées l'étaient d'autant plus qu'une partie avait atterri dans des marais assez profonds. Et par ailleurs, les allemands avaient eu le temps de renforcer très fortement les points qu'ils contrôlaient, ce qui rendait très difficile leur prise par les parachutistes. Donc, si les chefs de ces trois divisions allemandes avaient été présents durant les heures précédant le débarquement, la réaction de ces dernières aurait peut-être été plus rapide, plus coordonnée et plus puissante. Et peut-être qu'alors, au matin, le débarquement sur Utah Beach aurait été un échec.

Or, Utah Beach était très importante, parce que ça permettait de prendre plus rapidement le port de Cherbourg, situé à une trentaine de kilomètres de là (au nord-ouest). Sans la prise de cette plage, le port se situait à 60 km. Et il devenait beaucoup plus difficile à conquérir.

Il n'y a que deux ports en eau-profonde permettant de faire transiter d'énormes quantités de matériel en Normandie : Cherbourg et le Havre. Sans la prise de Cherbourg, les alliés auraient pu être pendant longtemps sans un seul port de grande envergure à leur disposition. Ce qui aurait entrainé une arrivée de l'approvisionnement bien plus lente. Dans la mesure où un des deux ports artificiels construits par les alliés a été détruit le 19 juin, il n'y avait plus que 10.000 tonnes de matériel qui pouvaient transiter par jour par le 2ème. Imaginons que les deux ports artificiels aient été détruits à cette occasion, ça aurait pu être la catastrophe.

Au passage, on notera qu'après le débarquement, Hitler va encore prendre des décisions aboutissant à la défaite accélérée des troupes situées dans cette zone. En leur ordonnant de ne pas reculer coute que coute, Hitler a hâté leur reddition et ainsi, la chute de Cherbourg. La ville tombera le 30 juin, alors qu'apparemment, ils auraient pu tenir beaucoup plus longtemps sans les pertes énormes causées par l'ordre de ne pas reculer. Si entre-temps, le dernier port artificiel avait été détruit par une tempête, là-encore, ça aurait pu poser d'énormes problèmes logistiques aux alliés.

Par ailleurs, non seulement Utah aurait pu ne pas être conquise, mais ça aurait pu être le cas pour Omaha. Avec des troupes allemandes présentes en nombre près d'Utah, certaines auraient pu aller renforcer Omaha. Et comme il n'a pas fallu grand-chose pour que les allemands réussissent à la tenir, celle-ci aurait pu également être un échec pour les alliés.

Et bien sûr, la réflexion pour la zone d'Utah Beach est valable, dans une moindre mesure, pour celle de Sword Beach. L'absence de Feuchtinger à la tête de la 21ème panzer (ainsi que les atermoiements du haut commandement bien sûr) a probablement diminué l'efficacité de celle-ci. Peut-être que Sword Beach aurait pu être tenue avec la présence ce dernier.

Donc, pour les leaders juifs, il fallait qu'il y ait confusion du côté allemand pendant les premières heures. Sans ça, le succès de l'opération du côté d'Utah Beach devenait beaucoup plus aléatoire ; et éventuellement aussi du côté d'Omaha et de Sword Beach. Or, les leaders juifs n'aiment pas le hasard. Et pour renforcer cette confusion, ils ont fait en sorte que les chefs de division ne soient pas là. Ca a permis d'avoir quelques heures de cafouillage en plus. Assez pour que les parachutistes puissent tenir la zone et assurent le succès d'une partie du débarquement.


6) L'intérêt de ne pas réveiller Hitler



Une des plus importantes bizarreries est bien sûr le fait que les subordonnés d'Hitler n'aient pas osé réveiller ce dernier.

Le débarquement a commencé à 6h du matin. A ce moment-là, les choses étaient déjà parfaitement claires. Et s'il y avait encore le moindre doute, à 7h, celui-ci n'existait plus. Même à 3h, les choses étaient déjà assez évidentes. Et pourtant, Hitler n'a été réveillé qu'à 10h du matin. De nombreuses heures durant lesquelles rien n'a été fait.

Or les panzers ne pouvaient bouger que sur son ordre. Et tout pouvait se jouer en quelques heures. C'était un moment absolument capital ou il fallait réagir le plus vite possible.

La justification du non réveil d'Hitler repose sur le fait qu'il aurait exigé de ne pas être réveillé et qu'il avait pris un somnifère. Cette explication est complètement ridicule.

Si vous aviez été le subordonné d'Hitler à ce moment-là, vous auriez surtout été terrorisé à l'idée d'être traduit en cours martiale pour ne pas l'avoir prévenu à temps du débarquement. Et certainement pas pour l'avoir réveillé. Ne pas prévenir le chef suprême à un moment aussi crucial est en effet clairement passible de la peine de mort. Un tel manquement est impardonnable. Surtout qu'Hitler n'était pas connu pour être un tendre. Donc, les subordonnés savaient qu'ils risquaient leur tête. Et même sans considérer l'éventuel châtiment venant d'Hitler, les généraux de son entourage immédiat savaient qu'un débarquement allié réussi signifierait la fin de l'Allemagne à courte échéance, et ensuite, leur possible jugement et exécution. Donc, la décision de ne pas réveiller Hitler est extrêmement louche.

Bien sûr, Hitler avait dit et répété que le premier lieu de débarquement ne serait qu'une diversion. Mais à 6h du matin, même s'il s'agissait d'une ruse, il fallait tout de même réagir le plus vite possible. Sinon, diversion ou pas, les alliés s'enfonceraient dans le territoire français et ils deviendraient vite indélogeables. Et puis, ni Hitler, ni les autres généraux n'étaient devins et ne savaient vraiment ce qui allait se passer. Donc, on ne pouvait pas jouer le sort de l'Allemagne sur un simple présupposé. En l'absence de certitude, il fallait absolument réagir le plus vite possible pour empêcher que le débarquement de Normandie ne réussisse. Manifestement, c'était une opération majeure. Et même si ça n'était pas le débarquement principal, si les allemands ne le faisaient pas échouer, alors, il aurait bien pu le devenir. Donc, le haut-commandement allemande ne pouvait pas traiter cet évènement par-dessus la jambe, comme un problème secondaire. Il fallait réagir le plus vite possible et réveiller Hitler. Ceci, un enfant de 10 ans l'aurait compris.

Le fait de ne pas avoir réveillé Hitler relève donc d'un sabotage évident. Avec ce qu'on a vu plus haut, on comprend l'intérêt de ne pas le faire réveiller. Il fallait son autorisation pour pouvoir utiliser les divisions de panzers situées en retrait des côtes de Normandie. Avec Hitler endormi, l'autorisation reposait sur Jodl (apparemment, puisqu'on ne parle généralement pas de Keitel, son supérieur hiérarchique). Il suffisait alors de présenter ce dernier comme servile et adepte du moindre risque (c'est aussi comme ça qu'était présenté Keitel) pour justifier qu'il n'ait pas réveillé Hitler et pas non plus autorisé l'utilisation des panzers. Ainsi, les leaders juifs faisaient en sorte que ces unités soient immobilisées à l'instant crucial. Alors que si elles avaient été disponibles durant les premières heures du débarquement, il est bien possible qu'elles auraient pu permettre de rejeter les alliés à la mer.

Avec Hitler réveillé, il aurait été plus difficile de justifier que ces divisions n'aient pas été envoyées plus tôt, spécialement la 2ème et la 12ème panzer et la panzer Lehr.

Donc, le fait que ses subordonnés n'aient pas osé le réveiller était clairement voulu, planifié. Ca permettait aux alliés de gagner le temps nécessaire pour réussir le débarquement.

Bien sûr, on peut dire que de toute façon, les unités aériennes auraient massacré les panzers et que faire intervenir celles-ci plus tôt n'aurait rien changé. Mais jusqu'à 16h environ, les nuages ne permettaient pas à l'aviation alliée d'intervenir. Donc, durant toute la partie essentielle du débarquement, les panzers auraient eu le champ libre et auraient pu rejeter les troupes alliées à la mer.


7) Le comportement d'Hitler durant la journée



Après son réveil, le comportement d'Hitler a évidemment continué à conduire l'armée allemande vers la défaite. Une fois informé de la situation, il a refusé de faire intervenir les divisions de panzer ainsi que les autres renforts disponibles, afin, soi-disant, d'attendre que la situation se soit clarifiée du côté du nord. Ce faisant, les alliés pouvaient continuer à prendre pied dans la campagne normande sans rencontrer d'opposition sérieuse, devenant de plus en plus indélogeables.

Enfin, voyant en fin d'après-midi que le nord n'était pas attaqué, il a décidé de faire intervenir les panzers, afin de "nettoyer les plages pas plus tard que durant la nuit". Mais il était évidemment trop tard.

Alors, on pourrait dire que puisqu'il n'a rien fait pendant toute une partie de la journée, le fait de ne pas l'avoir réveillé rapidement n'avait finalement pas grande importance. On aurait pu le faire se réveiller à 6h et ne pas le faire agir de pratiquement toute la journée avec les mêmes justifications bidon. Mais déjà, ça n'enlève pas l'illogisme du comportement de Jodl. Et par ailleurs, si, ça avait quand même une grande importance. Si Hitler avait été réveillé à 6h pour être prévenu du débarquement, il aurait été malgré tout beaucoup plus compliqué de justifier son inaction pendant 4 ou 5 h supplémentaires (5h, parce qu'en plus, on ne l'a pas informé de la situation tout de suite). Déjà que les quelques heures d'inaction d'Hitler sont très difficilement justifiables, alors toute une journée, ça aurait été extrêmement louche. Il aurait été en particulier difficile d'expliquer qu'il n'ait pas libéré la 12ème panzer et la Panzer Lehr beaucoup plus tôt.


Au passage, voici la réaction d'Hitler quand il a appris que le débarquement avait eu lieu.

Sa première déclaration a été : "les nouvelles ne pouvaient pas être meilleures". "Tant qu'ils étaient en Angleterre, nous ne pouvions pas les atteindre. Maintenant, ils sont à un endroit où nous pouvons les détruire". Un peu plus tard, à une réception à laquelle il devait assister, son visage était radieux et il s'est exclamé "ça a commencé, enfin…".

Une telle réaction est plus qu'étrange. Il savait que l'ouverture d'un second front pourrait lui être fatale et qu'il était très loin d'être sûr de pouvoir repousser les alliés à la mer. Et alors qu'il apprend que le débarquement a eu lieu et que des têtes de pont solides sont déjà en place, au lieu de ressentir de l'angoisse et de se dire que c'est probablement la fin à courte échéance, il est joyeux ? C'est n'importe quoi.

A mon avis, cette réaction servait à justifier les décisions d'Hitler durant la journée et les jours ou semaines suivantes. S'il avait montré de la panique ou même seulement de l'inquiétude, alors, les retards dans l'envoi des panzers vers les plages auraient semblé beaucoup moins normaux. Donc, il fallait qu'il apparaisse satisfait de la situation. Ca montrait qu'il ne s'affolait pas. Ca montrait aussi qu'il croyait qu'il s'agissait d'une diversion. Puisqu'il s'agissait d'une ruse, il avait tout le temps d'organiser la contre-attaque. Donc, les divers retards devenaient logiques. Et comme Hitler était supposé être devenu à moitié fou au fur et à mesure des années, cette réaction aberrante pouvait passer sans problème.


8) L'idée que la vraie invasion serait située ailleurs : l'opération Fortitude



L'idée que le premier débarquement serait une diversion, ou que la vraie invasion se situerait forcément dans le Nord-Pas-de-Calais a permis de justifier la plupart des retards fatals de la part d'Hitler et du haut commandement allemand.

Cette idée a été en grande partie créée et entretenue par l'opération alliée "Fortitude". Les alliés se sont servis de leurs services secrets très performants pour intoxiquer les allemands par tous les moyens possibles et leur faire croire que la vraie invasion se situerait dans le Pas-de-Calais. Ils ont par ailleurs créé une fausse armée, donnant l'impression à Hitler qu'ils avaient 42 divisions de plus qu'il n'y avait en réalité. Après le débarquement, celui-ci croira qu'une armée de 57 divisions était encore disponible en Angleterre, prête à fondre sur le Pas-de-Calais, alors qu'il ne restait que 15 divisions. 

Et les hésitations engendrées par l'opération Fortitude ont duré très longtemps. Ce n'est seulement que fin juillet que les allemands accepteront l'idée que le débarquement de Normandie était le seul qui aurait lieu. Du coup, les unités allemandes situées dans le nord de la France n'ont pas été ramenées vers la Normandie, ou alors au compte-goutte. Ce n'est qu'en aout qu'Hitler a enfin décidé de redéployer la 15ème armée vers la Normandie, évidemment bien trop tard.

Alors bien sûr, ces hésitations peuvent se justifier. Effectivement, il y avait une très longue côte à défendre. Et effectivement, le Pas-de-Calais est l'endroit le plus près de l'Angleterre.

Mais justement, vu que la côte du Pas-de-Calais était très bien défendue, la probabilité que les alliés attaquent ailleurs, dans des secteurs plus accessibles, devenait beaucoup plus importante. Même si les alliés étaient en position de force à cet endroit, un débarquement est malgré tout toujours dangereux. Donc, attaquer là où l'ennemi est le plus fort et le mieux préparé augmente fortement le risque d'échec durant les premières heures.

Et puis, après les premiers jours, il était clair que le débarquement se passait en Normandie et uniquement là. Il fallait donc rapatrier en masse les unités présentes dans le nord.

Par ailleurs, une fois le débarquement commencé en Normandie, si les forces alliées n'étaient pas éliminées, c'était fini ; ça devenait alors le débarquement principal. Donc, de toute façon, il fallait absolument le contrer.

Mais, ça aurait risqué de faire échouer l'invasion. Or, le but d'Hitler était alors de faire perdre l'Allemagne. Donc, il fallait ne faire arriver les renforts qu'au compte-goutte. Il fallait maintenir "l'hésitation" allemande, même si elle devenait de plus en plus ridicule au fur et à mesure des jours et des semaines.


8.2) Les bizarreries de l'opération fortitude



- La reconnaissance aérienne


Si les allemands ont cru à la présence d'une armée prête à fondre sur le Pas-de-Calais, c'est en premier lieu parce qu'ils ont photographié les camps fictifs avec des avions de reconnaissance. Une première question se pose alors : comment les allemands ont-ils pu survoler les zones où la fausse armée alliée était stationnée ? Normalement, le ciel anglais était désormais totalement interdit aux allemands. C'est ce qu'on peut trouver par exemple ici :

"Alors que la guerre progressait, le système de défense aérienne britannique avait pratiquement éliminé les vols de reconnaissance de la Luftwaffe sur la Grande-Bretagne jusqu'en septembre 1944, lorsque les Allemands ont dévoilé l'Arado Ar 234, un bombardier stratégique à réaction servant également d'avion de reconnaissance avec la vitesse et la hauteur pour pénétrer l'espace aérien britannique."

Eh bien le haut-commandement allié a donné l'ordre de laisser passer une partie des avions de reconnaissance allemands. Bien sûr, ça n'a pas été fait aussi simplement que ça, mais les tirs de DCA faisaient exprès de rater leurs cibles et les avions alliés n'étaient apparemment pas là. Donc, un certain nombre d'avions de la Luftwaffe arrivaient à revenir de leur mission.

Dans le même temps, ils continuaient à abattre les bombardiers allemands qui avaient recommencé à attaquer l'Angleterre entre janvier et mai 1944, soi-disant en mesure de représailles contre les bombardements alliés sur l'Allemagne (opération Steinbock). Au passage, 329 bombardiers allemands seront perdus pendant cette opération. Et du coup, "manque de chance", il ne sera pas possible d'opposer une contre-attaque sérieuse par bombardement aérien lors du débarquement. De là à penser que ces bombardements allemands ont été faits précisément dans le but de ne plus avoir assez de bombardiers à dispositions lors du jour J, il n'y a qu'un pas qu'on peut franchir sans problème.

Donc, les alliés abattaient les bombardiers qui attaquaient de nuit ; mais les avions de reconnaissance allemands, qui ne pouvaient plus survoler l'Angleterre jusque-là le pouvait à nouveau (même s'il y avait des pertes bien sûr). Et ça n'étonnait pas du tout les allemands. Enfin, bien sûr, ça les étonnait ; mais apparemment, ils n'en ont tiré aucune conclusion. Ils ne se sont pas dit que tout ça était voulu et que les alliés faisaient exprès de les laisser observer leurs troupes afin de les enfumer d'une façon ou d'une autre et que donc, il y avait un gros problème quelque part. Ils n'ont pas pensé que ce qu'on leur laissait observer n'était pas la réalité. Ben voyons. Là encore, il est clair qu'Hitler est tombé volontairement dans le piège.

Surtout que les avions de reconnaissances allemands ne devaient pas photographier à moins de 2.000 mètres d'altitudes. En dessous, ils auraient été capables de comprendre la supercherie. Donc, les avions alliés avaient ordre d'abattre les avions descendant sous cette altitude. Sauf que là-aussi, ça aurait dû très fortement mettre la puce à l'oreille des allemands. On laissait passer une partie de leurs avions de reconnaissance tout en détruisant les bombardiers, mais dès qu'ils descendaient un peu bas pour voir ce qu'il y avait vraiment, on les abattait ? Dans le genre extrêmement louche, ça se pose là. Ca renforçait encore plus l'idée que ce qu'il y avait en bas n'était pas réel et qu'on leur laissait voir la chose volontairement afin qu'ils s'inquiètent, mais pas de trop près, pour qu'ils ne comprennent pas l'arnaque.

Et puis, la DCA ou l'aviation ne peut pas éliminer tous les avions de reconnaissance. Donc, il y avait malgré tout un risque énorme que des avions allemands ne réussissent à passer.

Par ailleurs, les radars ne pouvaient pas détecter les avions en dessous d'une certaine altitude (165m). Bien sûr, une fois arrivé sur le sol anglais, les stations d'observation visuelle pouvaient signaler la présence du ou des appareils. Mais vu que de nombreux camps d'entrainement étaient très proches de la France et des côtes, le pilote avait une forte probabilité de pouvoir réaliser sa mission et repartir avant de se faire intercepter. Surtout que par mauvais temps, il pouvait se cacher dans les nuages une fois la mission effectuée. Bref, il devait être tout à fait possible pour un avion de reconnaissance de voler en rase-motte et de prendre des photos sans se faire abattre. Donc, forcément, certains d'entre eux auraient réussi à passer et à prendre des photos à moins de 2.000 mètres. Ils auraient alors pu voir que l'armée alliée n'était qu'un leurre.

Il suffisait d'un seul avion, d'un seul groupe de commando ou un seul espion pour tout foutre en l'air. Et les allemands auraient très bien pu faire comme si de rien n'était alors qu'ils étaient au courant. Donc, l'opération Fortitude était extrêmement dangereuse.

Surtout que les allemands avaient eux aussi faits de faux chars et de faux avions. Donc, ce n'est pas du tout comme s'ils ne connaissaient pas le truc.

Et puis, cette histoire d'armée fantôme, c'est bien gentil, mais on parle d'un groupe d'armée et du fait qu'on avait fait croire à Hitler qu'il y avait un million d'hommes qui attendaient à cet endroit d'attaquer le Pas-de-Calais. Donc, les allemands auraient vu lors de leurs missions d'observation aérienne qu'il n'y avait quasiment personne sur le terrain. Il y avait bien quelques milliers de vétérans qui avaient été rappelés pour que la zone ne soit pas complètement vide. Mais entre quelques milliers ou même quelques dizaines de milliers d'hommes et  un million, il y a une très grosse différence. Une différence qui se serait forcément vue, même à une distance de 2.000 mètres.

Et quid d'un petit bombardement, pour voir si la fourmilière allait s'agiter et si le matériel était réel ? Imaginons un mitraillage et un bombardement de la zone où il y avait des chars fictifs, avec des avions de reconnaissance derrière (ou même réalisé par ces derniers, puisqu'ils étaient armés). Et là, les allemands qui s'aperçoivent qu'il n'y a personne ou pas grand monde qui sort des casemates et que les chars fondent, brulent et se dégonflent comme s'ils étaient faits de plastique. Ça aurait été la catastrophe.

Mais effectivement, sans reconnaissance aérienne allemande, pas de raison que ces derniers ne croient à l'opération Fortitude, et donc, il serait devenu très difficile d'expliquer que leurs hésitations aient duré aussi longtemps après le débarquement. Donc, il fallait laisser passer les avions et il fallait ensuite que le haut commandement tombe dans le piège. Le problème, c'est que du coup, tout ça devient un peu trop beau pour être plausible.


- Tromper les services de renseignement


Comme faire reposer l'intoxication sur les seules reconnaissances aériennes était quand même assez léger niveau crédibilité, les leaders juifs ont été obligés de dire que les allemands se méfiaient des informations obtenues par ces dernières. Et ils ont complété ça avec des manœuvres des services secrets. Avec les observations aériennes, plus les renseignements de leurs agents, la croyance des allemands en l'opération Fortitude devenait plausible.

Seulement, si les allemands se méfiaient, on retombe encore plus sur les questions soulevées plus haut. Pourquoi ne pas faire des survols à basse altitude ? Et pourquoi ne pas envoyer des commandos ? Comme cette armée était située au sud-est de Londres. Les allemands auraient pu parachuter ou faire venir des commandos par bateaux ou par sous-marin. Mais, apparemment, les opérations commando n'étaient réservées qu'aux alliés

Enfin, quoi qu'il en soit, là aussi, la crédibilité n'est pas terrible. Ce qu'on nous raconte, c'est que les anglais avaient fait tomber une grosse partie du réseau d'espionnage allemand en Angleterre et avaient retourné la plupart des agents allemands. Donc, ils n'avaient pas trop de crainte d'être démasqués de ce côté-là.

Seulement, déjà, ils n'avaient pas fait tomber tout le réseau. Et puis, vu la nature justement secrète des activités des services secrets, il est toujours très difficile d'être sûr qu'on a éliminé tous les espions venant d'un pays. Surtout qu'il peut toujours en venir de nouveaux qu'on n'a pas encore eu le temps d'identifier. Donc, il y avait forcément un gros risque que des agents non identifiés éventent la supercherie. En plus, comment être sûr que les agents retournés n'étaient pas des agents triples ?

Sur cette liste, on apprend que 17 agents doubles allemands travaillaient encore en mai 1944. Comme tout le réseau n'était pas tombé, il devait y en avoir encore quelques-uns qui n'avaient pas été retournés. Mais in fine, on nous dit que pour déterminer la validité des renseignements collectés grâce aux avions de reconnaissance, le renseignement allemand s'est reposé surtout sur deux agents secrets qu'ils considéraient comme leurs meilleurs éléments, mais qui étaient en fait des agents doubles travaillant pour les alliés.

Il y avait un certain Roman Garby-Czerniawski, alias "Brutus", ex-chef du réseau de renseignements franco-polonais interallié, retourné par les allemands avec la promesse que ses 63 compagnons de réseau ne seraient pas exécutés. Evidemment, à peine renvoyé chez les anglais, il leur a tout dit et est devenu un agent double travaillant en fait pour les alliés. Mais, pas de problème, les allemands ne se sont pas méfiés. Fin avril 1944, il a envoyé des messages disant qu'il avait repéré, dans le Wiltshire, dans le sud-est de l'Angleterre, des mouvements de troupes et de matériel, sans préciser, bien entendu, que les chars d'assaut étaient des baudruches, et les hommes, des fantômes.

L'autre agent était Juan Pujol Garcia, alias "Garbo", un Catalan qui avait combattu pour les forces de Franco en Espagne, mais qui détestait les allemands. Son histoire est encore plus extraordinaire, ou plutôt, encore plus invraisemblable que celle de Brutus. Quand la guerre a éclaté, il a proposé ses services aux anglais, qui ont alors refusé, se demandant qui pouvait bien être ce type. Puis, il a proposé aux allemands de travailler pour eux, en leur faisant croire qu'il irait travailler à Londres pour une société pharmaceutique. Les allemands l'ont alors embauché. Mais Garcia n'a pas dépassé Lisbonne. Comment a-t-il fait alors ? Il s'est contenté de lire les journaux britanniques et avec beaucoup d'imagination et un bon sens de l'analyse, il a envoyé des rapports aux Allemands qui sont passés comme une lettre à la Poste. Comme les services secrets anglais décryptaient les messages allemands, ils se sont rapidement intéressés à Garcia et celui-ci leur a à nouveau proposé ses services. Ils ont accepté et Garcia est devenu un agent double au service de l'Angleterre. Et durant la préparation du débarquement, il a lui aussi envoyé des informations totalement fausses.

Sauf que ça ne tient pas une seconde. Les allemands auraient forcément fait surveiller une nouvelle recrue venue de nulle part. Et ils auraient vu qu'il n'était pas allé en Angleterre et qu'il ne voyait personne de particulier. Pour les premières missions, ils lui auraient demandé des renseignements qu'ils pouvaient contrôler par ailleurs et qu'il ne pouvait pas trouver seulement dans des journaux. Ils auraient forcément su très rapidement qu'il s'agissait d'un mythomane. Chose qui est également vraie pour Brutus d'ailleurs. Par ailleurs, il ne leur a apparemment fourni aucun renseignement important avant le débarquement. Donc, comment aurait-il bien pu devenir un agent considéré comme un des plus fiables ? C'est complètement invraisemblable.

Donc, on veut nous faire croire que les allemands auraient fait reposer l'essentiel de leurs renseignements de terrain sur deux agents, dont un retourné, et un dont l'histoire est complètement incroyable. Ça n'est pas crédible pour un sou.

Et puis, les témoignages appuyés de photos de seulement 2 ou 3 agents loyaux à l'Allemagne auraient pu suffire pour révéler le pot-aux-roses. Et là, tous les mensonges des autres agents n'auraient rien pu y faire.

Il suffisait aussi qu'il y ait des agents allemands ou des contacts dans l'armée alliée pour que les choses se sachent assez rapidement. Dans la mesure où l'armée en question n'existait pas, soit on maintenait le secret total en interne sur celle-ci, soit non. S'il y avait eu secret, ça aurait été louche. S'il n'y avait pas eu secret, rapidement, des éléments allemands infiltrés dans l'armée anglaise auraient su qu'il ne s'agissait que d'une armée fantôme.

Il est vrai que les soldats étaient consignés dans leurs campements afin que le moins d'informations possibles ne filtrent sur le débarquement (c'était le cas pour cette armée fantôme et pour toutes les autres armées devant participer au jour J). Donc, impossible de constater que l'activité était trop faible par rapport à ce qu'elle aurait dû être dans les villes à proximité des supposés camps d'entrainement.

Mais justement, puisque les soldats étaient supposés être tous dans les camps en question, alors, les reconnaissances aériennes auraient dû constater que le nombre de soldats observé était beaucoup plus faible que ce qu'il aurait dû être. Il est vrai que l'armée avait fait appel à des vétérans pour animer un peu les casernes et donner une impression de vie. Mais ça n'avait forcément rien à voir avec la présence d'un million d'hommes.

Et puis, la surveillance des routes aurait permis de voir que là-aussi, les mouvements de troupes, de camions et de trains vers les camps en question ne correspondaient à ce qu'ils auraient dû être (même s'il y avait des déplacements organisés pour donner le change). Or, un camp amène forcément une circulation intense, que ce soit pour le ravitaillement en essence, en charbon, en nourriture, en hommes, etc… En surveillant simplement les routes principales et les trains menant aux divers camps, des agents allemands auraient vite vu que là-encore, l'activité était anormalement faible.

Par ailleurs, les espions placés dans l'armée ou dans des postes permettant de surveiller l'activité d'approvisionnement auraient pu vérifier rapidement que les fournitures de biens et services ne correspondaient à rien de réel. Si par exemple 100 moteurs de chars devaient être livrés et qu'il n'y avait aucune trace de fabrication, de demande de matière première, de livraison, etc.., il y avait un risque que des espions s'en aperçoivent. Et en multipliant ça par des dizaines de milliers de commandes de ce genre, leur caractère fictif devait forcément finir par se voir.

En plus, isoler les soldats dans les camps, soi-disant afin de garder le secret sur le débarquement, au final, c'était plus louche qu'autre chose. Concernant le secret sur le lieu et la date, c'était les hauts gradés qui le détenaient. D'ailleurs, pour la destination de ces soldats justement, il n'y avait rien à cacher, puisque, vu que le camp était en face du Pas-de-Calais, celle-ci était assez évidente. Donc, pourquoi maintenir les hommes du rang au secret, alors qu'ils n'avaient aucune information importante à divulguer ? Ça n'a pas grand sens. Les soldats allemands ou russes ne l'étaient pas, eux. Et si on ne les cachait pas pour éviter des révélations sur la date du débarquement, pourquoi ne pas les montrer, puisque par ailleurs, on faisait un énorme camp ou on affichait des tonnes de chars et de canons ? Finalement, ça portait beaucoup plus l'attention sur la possibilité que l'armée en question soit fantôme. Si on cachait totalement les soldats, c'est probablement tout simplement parce qu'à certains endroits, il n'y en avait pas et qu'on cherchait à faire croire qu'il y en avait plus que réellement.

On pourrait répondre que l'isolement servait à éviter que les espions allemands ne rapportent la soudaine absence de soldats dans les villes juste avant le débarquement. Mais les jours avant celui-ci, les mouvements massifs de troupes vers les points d'embarquement devaient forcément indiquer son imminence. Certains camps étaient en effet loin de la mer (50-70 km). Mouvements qui, accessoirement, auraient été visibles par la reconnaissance aérienne allemande. Et puis, même en maintenant les troupes libres de sortir des casernements, on pouvait maintenir le change juste avant le débarquement en utilisant des soldats chargés de maintenir une certaine animation. Donc, ça n'était pas un problème crucial.

Au passage, pourquoi les allemands n'ont pas fait ça sur les plages de Normandie ? Eux aussi auraient pu faire croire qu'ils avaient plus de troupe qu'en réalité et maintenir les soldats à l'isolement. Mais non, il semble que cette tactique n'était valable que pour les alliées.

Enfin, ce positionnement de deux grosses zones de camps, l'une pour la Normandie, et l'autre, plus grosse, pour le Pas-de-Calais, c'était un peu trop évident pour être honnête. Si les alliés avaient voulu faire deux débarquements séparés, est-ce qu'ils auraient établis de façon aussi évidentes deux zones bien distinctes, prévenant ainsi bien les allemands de ce qu'ils allaient faire ? Et pour le nombre de soldats, est-ce qu'ils n'auraient pas plutôt essayé de faire en sorte de masquer les troupes, afin de faire croire qu'il y en avait moins qu'en réalité, et aussi de les mêler dans des camps plus dispersés, montrant moins clairement la destination de tel ou tel camp  ? Ainsi, ils auraient bénéficié de l'effet de surprise lors du débarquement dans le Pas-de-Calais. Au lieu d'être totalement attendus.


- Autres méthodes de tromperie


Le reste de l'opération reposait sur de faux messages radios. Sauf que c'est très facile d'intoxiquer l'adversaire de cette façon. Donc, il n'y avait pas de raison que les allemands tombent particulièrement dans le piège avec cette technique.

De la même façon, on nous dit que des réseaux de résistance français ont été sacrifiés. On leur avait donné de fausses informations sur le débarquement. Et sous la torture, ils les ont révélées. Sauf que là encore, les services secrets allemands n'étaient pas stupides. C'est le genre d'opération d'intoxication qui se pratique couramment. Donc, pas de raison non plus que les allemands se fassent avoir par ce type de ruse.


- Ce que ça impliquait au niveau des alliées


Donc, le comportement du haut commandement, vis-à-vis des informations aériennes et de ces deux ou trois agents secrets, est louche. Mais du côté des alliés, c'est encore plus louche.

En effet, pour que l'opération réussisse, il fallait être sûr :
  • qu'aucun avion allemand n'arriverait à faire de photographie à moins de 2.000 mètres
  •  que le haut commandement allemand ne s'étonnerait pas que tout d'un coup, le ciel anglais lui soit ouvert, mais seulement pour des opérations de reconnaissance et pas pour celles de bombardement, et en plus seulement si les avions volaient à plus de 2.000 mètres
  • que les allemands n'auraient pas l'idée de faire quelques bombardements, même limités, pour voir si l'armée qu'ils voyaient n'était pas fictive
  • qu'aucun commando n'arriverait à s'infiltrer
  • qu'aucun espion n'éventerait l'affaire
  • qu'aucun militaire allié ne parlerait

Ça faisait beaucoup de conditions à réunir. On pourrait dire que c'était de toute manière une opération à tenter. Mais le problème, c'est que l'essentiel de la réussite du débarquement reposait sur la réussite de l'intoxication.

En effet, sans l'enfumage des allemands, les troupes de réserves auraient été envoyées beaucoup plus rapidement vers la Normandie. Celles de Normandie auraient probablement été envoyées vers les plages. Et les troupes de la 15ème armée aurait été envoyées en masse immédiatement. Sans compter celles plus au sud. Il y aurait alors eu un énorme risque de défaite, et ce dès le premier jour.

Donc, pour que le débarquement réussisse, il fallait déjà que les allemands croient que la force alliée était largement supérieure à ce qu'elle était en réalité. Mais il fallait ensuite qu'ils croient que les alliés allaient forcément débarquer dans le Pas-de-Calais ; et enfin, qu'ils allaient forcément faire une diversion ailleurs. Il fallait aussi qu'Hitler hésite encore après plusieurs semaines d'invasion et continue à laisser la 15ème armée dans le nord.

Pour le premier point d'accord, mais celui-ci n'impliquait pas fatalement les deux suivants. Donc, les allemands n'avaient pas de raison d'être catégoriques sur l'existence d'un débarquement dans le Pas-de-Calais et sur celle d'un premier débarquement qui serait une diversion (donc, de l'existence de deux débarquements). Or, ces deux présupposés étaient importants pour la réussite de l'opération. Si les allemands n'étaient pas totalement sûrs que la première attaque soit une diversion, alors, ils pouvaient envoyer une partie de leurs forces en Normandie. S'ils n'étaient pas sûrs qu'il y ait un débarquement dans le Pas-de-Calais, alors, ils pouvaient rapatrier une partie de la 15ème armée vers la Normandie. 

Donc, faire reposer une opération aussi cruciale sur la réussite totale de cette intoxication, alors que le résultat était extrêmement aléatoire, c'était de la folie.  Surtout que même avec la réussite totale de cette ruse, il fallait ajouter de nombreuses autres erreurs allemandes pour être sûr que l'opération réussisse. C'est assez incroyable que le haut commandement allié ait fait ça, et c'est donc très louche. Mais ça devient beaucoup moins incroyable si celui-ci savait très bien qu'Hitler était en fait dans leur camp et ferait ce qu'il fallait pour les laisser gagner.


Le Deus ex machina plus ou moins ultime, c'est de dire que le code de la machine Enigma avait été découvert ; ce qui faisait que les opérations allemandes n'avaient aucun secret pour les alliés. Ils pouvaient donc vérifier que les allemands mordaient à l'hameçon. Comme c'est pratique. C'est quand même assez extraordinaire que les allemands n'aient jamais réussi à s'en rendre compte. Mais même avec cet avantage, ça n'était utile que pour savoir si les allemands avaient éventé leur ruse. Ca n'empêchait pas que ceux-ci l'éventent. Et même si elle ne l'était pas, rien ne disait aux alliés que les allemands mordraient forcément à l'hameçon le jour J, ni qu'ils continueraient à le faire les jours suivants. Et puis, il y avait là-encore toutes les autres erreurs nécessaires à la réussite du débarquement. Donc, même si on prend en compte cet élément, l'opération alliée relevait quand même d'un coup de poker insensé, et donc incroyable de la part du haut commandement allié.


- Au final


Donc, le comportement du haut commandement allemand vis-à-vis des agents douteux et des informations aériennes peu précises est louche.

Le comportement des alliés est ultra louche. Faire reposer une opération aussi importante sur un tel coup de poker est insensé.

Par ailleurs, qu'Hitler et les généraux aient cru que les alliés étaient plus nombreux qu'en réalité, c'est une chose. Mais déjà, comme dit juste avant, cette croyance ne reposait pas sur des éléments très solides. Ils n'avaient au fond que des photos prises à haute altitude et le témoignage d'agents très douteux. Et il y avait des éléments bizarres pouvant faire penser que les alliés cherchaient faire croire qu'ils étaient plus nombreux qu'ils ne l'étaient vraiment. Donc, les allemands n'avaient pas de raisons de croire dur comme fer qu'il s'agissait de la réalité.

Mais ensuite, qu'ils en aient déduit que les alliées allaient fatalement débarquer dans le Pas-de-Calais et faire en plus une diversion en Normandie, c'est encore autre chose. Rien ne permettait de conclure avec une certitude absolue que ça allait être le cas. Le doute aurait dû être de mise. Qu'ils aient été dans l'expectative, d'accord, qu'ils en aient été sûrs et certains, pas d'accord. Donc, cette certitude du côté allemand est là-aussi, très bizarre.

On répondra qu'Hitler était fou et qu'il avait des idées fixes. Mais ce n'est pas seulement Hitler qui pensait ça ; c'était le cas de la plupart des membres dirigeants du haut commandement à l'ouest. Et c'est d'ailleurs à cause de ça que des heures précieuses seront perdues le jour du débarquement, alors qu'Hitler dormait.

Donc, ça reste très bizarre. Mais il fallait que le haut commandement allemand tombe à fond dans le piège, même si ça paraissait louche. Tout le succès de l'opération alliée reposait là-dessus.

Que les allemands aient cru dur comme fer à cette fausse armée et à la fausse invasion dans le Pas-de-Calais jusqu'au débarquement de Normandie, déjà, c'est suspect. Seulement, une fois le débarquement réalisé, même en y croyant, de toute façon, les alliés s'étaient établis solidement et rapidement en Normandie. Il arrivait toujours plus de troupes et de matériel. Et les troupes allemandes présentes n'arrivaient pas à les repousser. Donc, à la rigueur, peu importe qu'il y ait eu un autre débarquement de prévu. Si les troupes alliées stationnées en Normandie n'étaient pas rapidement éliminées, les allemands étaient battus. Donc, il fallait s'occuper prioritairement du débarquement de Normandie et envoyer toutes les troupes à cet endroit. C'était l'évidence même. Et ça, c'était vrai au bout de même pas deux semaines.

Donc, qu'Hitler ait laissé la 15ème armée dans le nord jusqu'à fin juillet reste malgré tout extrêmement bizarre. Mais évidemment, ça n'est plus bizarre du tout quand on comprend qu'Hitler était en fait un juif travaillant pour des leaders juifs plus haut placés, que la guerre était organisée, et qu'à ce moment-là, il faisait exprès de perdre.


1 commentaire:

  1. il est vrai que plus on avance dans le temps on analyse les evenements avec plus de precision ! et on constate un enchainement de bizarreries qui met en doute les versions ooficielles

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